jeudi 21 avril 2016

Les grands espaces


Dieu que c'est beau! J'ai marché des heures et des kilomètres, jusqu'à 25 par jour.  En montagne, sur la neige face aux glaciers, dans les forêts rougeoyantes, dans les vallées arides. J'ai repris le goût de la photo pour partager ces paysages exceptionnels. C'est la Patagonie argentine: deux fois la surface de la France de parcs naturels. C'est beau à en pleurer. Vraiment.


Après la fin du monde, deux nouvelle étapes patagonienne : El Calafate pour son célèbre glacier Perito Moreno et El Chalten , capitale mondiale du trekking.


Le  rouleau compresseur.

A 70 kilomètres d'El Calafate, le Perito Moreno est l'un des sites touristiques majeurs du sud de la Patagonie argentine. C'est avec 3 autres Français que je décide de me rendre en taxi (moins cher qu'en bus) dans le Parc des Glaciers. Un peu plus d'une heure de route et pas un village, pas un habitant. Les  paysages s'enchaînent entre désolations arides et forêts d'érables. A la fin de l'été le feuillage s'embrase de rouge : les voilà les flammes de la Terre de Feu ! 


C'est après un dernier virage que Perito s'impose enfin au regard : une masse de glace, un massif meringué, une immense omelette norvégienne.
Imaginez un rouleau compresseur de  5 kilomètres de front,  30 kilomètres de long et entre 170 à 700 mètres de hauteur. (70 visibles). Rien ne lui résiste  : 250 km² qui avance de deux mètres par jour sur le lac Argentino.
Perito se laisse apprécier à partir de passerelles et de miradors latéraux qui offrent une vue tant sur sa face nord que sud. En forme de flèche, la pointe du glacier est le théâtre des différentes poussées, créant les points de ruptures où des pans complets de glace chutent dans un vacarme assourdissant.







Un spectacle son et lumière:

C'est une histoire passionnante, un combat titanesque de forces opposées qui donne vie au glacier. Il bouge, gronde, prévient,  rugit et explose, et lorsqu'il ne se passe rien, je guette le moindre élément annonciateur du prochain épisode . Plus de trois heures scotché devant lui pour suivre son évolution : quelle flèche cédera en premier ? Cette faille s'écarte t-elle vraiment ou est ce mon imagination ? La chute de petits morceaux de glace est elle annonciatrice d'une vraie rupture ? Ce pan en biais est il sur le point de craquer ?

Coincé entre les montagnes, l'acoustique est excellente dans cette caisse de résonance. Le glacier grince et l'écho renvoie et amplifie ces tonnerres. Ce ne sont pas des cris de douleur mais des grondements de colère. Perito se dilate, a besoin de place, repousse et broie.  Des craquements sourds et graves résonnent toutes les dix minutes.

Dans l'eau du lac, c'est une autre course tout aussi passionnante. Aux pieds du glacier,  de nombreux morceaux de glace dérivent, se bloquent ou s'entrechoquent bruyamment au grès du courant. Un vrai feuilleton aux multiples rebondissements.

Instinctivement, j'évalue cet énorme pan qui devrait craquer tant son poids le déséquilibre. Avec de la chance, c'est pour aujourd'hui. Je me tiens prêt. Je l'encourage et tiens le compte à rebours avant la grande chute. De temps à autres, de petits morceaux de glace chutent et le déséquilibrent encore plus.

Quelques petites chutes annonciatrices ....
... Je l'ai eue !
Nous sommes presque synchro. Dans un énorme grondement, un immense pan d'une trentaine de mètres de hauteurs chute de tout son poids presqu'au ralenti. Une vague déferle sur la côte, charriant des dizaines de morceaux de glace sur les rochers.

Une chute heureuse à ce spectacle ! Tous les spectateurs crient et applaudissent !

Résumé des chutes 2016 du Perito Moreno


Le hasard fait "bien" les choses ...

D'El Calafate, je tente le stop vers le Nord. Je n'ai pas de destination précise, mais comme je dois être début Mai à Santiago du Chili (départ le 5 Mai pour l'Australie), peu m'importe où le vent me mène pourvu que ce soit dans la bonne direction.
Me voici sur la mythique "route 40", la plus longue d'Argentine qui court le long de la cordillère des Andes sur plus de 5000 kilomètres et culminant jusque 5000 mètres d'altitude. Cette route est même promue comme un "produit touristique national".


Première heure , trois voitures passent, aucune ne s'arrête... il commence à neiger.
Deuxième heure, Une anglaise se poste à 50 mètres derrière moi... Une voiture passe en m'ignorant royalement mais prend l'Anglaise en passant. Elle doit avoir un truc en plus... Ou en moins. Un vent glacial se lève.
Troisième heure, deux voitures ont accéléré en m'apercevant. Je sautille pour éviter de congeler sur place, je retenterai le stop plus tard. Je retourne au village d'El Calafate prendre le premier bus en partance: ce sera El Chalten.
A la descente du bus, des bénévoles accueillent les voyageurs pour présenter les différentes randonnées, répondre aux questions et distribuer  les cartes des chemins. Tout est fait pour faciliter la vie du voyageur, et en plus tous les sites sont gratuits. N'ayant ni  "guide du routard" ni "Lonely Planet", c'est en discutant avec les autres voyageurs que je choisis le plus souvent de mes prochaines destinations. On m'avait présenté El Chalten comme un IN-CON-TOUR-NABLE. Je ne le regrette pas, à mon tour de conseiller cette "capitale mondiale du trekking". J'y resterai cinq jours en alternant les longues et moyennes randonnées.

Peu de texte, beaucoup de photos ...Difficile de choisir !
J'ai malheureusement dû réduire la définition de certaines photos pour pouvoir les insérer

Les paysages de glace





Les vallées, les lacs, les rivières



Les rouilles, les rouges, les orangées




La Patagonie

Terre connue pour être inconnue, quasi mystique. Elle attire, elle fait peur. Un désert de nature glacée balayée par les vents.
Terre monochrome et multicolore. J'ai vu du blanc pur, du blanc bleuté, du blanc neigeux, du blanc nuageux. Du haut d'une colline, les couleurs de feu à perte de vue. La qualité de mes photos ne traduit pas ces couleurs automnales mais si elle le pouvait, vous les penseriez retouchées. Vous n'y croiriez pas, et je n'y crois toujours pas.

Les Patagonie, singulière et plurielle. Sous les mêmes ciels où planent les condors, les paysages défilent, tous différents, tous uniques. J'ai aimé cette terre de grands espaces.

Il meurt lentement
celui qui ne voyage pas,
celui qui ne lit pas,
celui qui n'écoute pas de musique,
celui qui ne sait pas trouver
grâce à ses yeux.

Pablo Neruda



PS : Poursuivez ce voyage en Patagonie (ou ailleurs)  sur le blog http://dukiliaukiwi.com/ avec encore plus de photos magnifiques et les textes drôles et vivants d'Elsa et Xavier !


14 commentaires:

  1. Quel plaisir à lire...
    Et des photos dignes de beaux livres du rayon Voyage de la librairie du style "les plus beaux paysages au monde" ou les "sites incontournables à voir dans sa vie"
    Tu peux être fier de tout ça... souvenirs et expériences inoubliables c'est évident.
    Bientôt un nouveau continent et une grande nouvelle page de ton roman !

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  2. Merci pour ce vidéo..
    Si l'on coupe le son, on découvre le silence.
    On peut faire du bruit, mais on ne peut faire du silence. Seul le silence est réel, unique et permanent.
    Les bruits sont irréels, naissants, mourant, disparaissant.
    Le vide et le silence sont toujours en nous, ici et maintenant, sous le tumulte de nos chants d'amour et de nos cris de haine, de nos rêves et de nos joies...

    Découvrir notre terre, c'est aussi nous découvrir
    Merci Fabrice et bisous paternels.
    papou philosophe !!

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  3. Images et vidéo magnifiques, merci pour ce partage!
    Liliane

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    1. oui ma Lili c'est très beau, ça te dit pour nos prochaines vacances...

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  4. ...Quelle Beauté Divine, l'Homme se sent tout petit....C.L et Et - A.M

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  5. C'est magnifique, et le mot reste faible, merci Fabrice de partager avec nous tous ces merveilleux moments, bisous Véro

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  6. De chez Chantal, nous t'envoyons ce message pour te prouver qu' on sait faire ; peut -être qu'à Mouvaux cela passera mieux ...Quelques jours de vacances te feront du bien...et pour nous idem ! Continues...c'est magnifique, je suis fière de toi, sois prudent ! Je t'embrasse ainsi u' Étienne et CL !!!!! Maman et ET

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  7. ...youpi ça marche, maintenant je crois qu'on y arrivera ! Ton omelette chilienne est merveilleuse on en mangerait ! On va aller se coucher car on est raplapla et demain rebelote on emménage !
    Vivement demain soir on sera chez nous ! rererebisous maman qui t'aime +++

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  8. Oui !!! Youpy !! Maman, Etienne et Sylvie ne sont pas des robots (même si le commentaire de Sylvie ne constitue pas une preuve formelle). On va ENFIN pouvoir partager tes aventures en famille !
    TAPATAGONIE est vraiment magnifique, irréelle, fantasmagorique et... effroyable.
    Je ne saisis pas très bien les intentions de PERITO ; il avance de 2 km/jour, mais où va-t'il ? Est-ce que le lac diminue en conséquence ? dans ce cas, c'est qu'il grandit, ou alors il ne fait que se déplacer en conservant la même taille. Mais alors quoi, tous ces pans de glace qui tombent dans l'eau ça doit quand même le diminuer, et donc le lac doit devenir de plus en plus important ??? A moins qu'il y ai des fuites du genre rivières. Au bout du compte, c'est le lac ou le glacier qui gagne ? Je crois que j'ai pô tout compris...
    J'aime beaucoup ce petit bout de poème de Pablo NERUDA.
    Comme papa, je trouve dommage la musique de la video. Mais j'aurais bien aimé le son réel plutôt que le silence, histoire de me faire un peu peur...

    Bisous, on pense bien à toi !
    Corine

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  9. Excellentes questions, Corinne, qui obligeraient Fabrice à retourner à ses cours d'étudiant !!
    "Rien ne naît ni ne périt, mais les choses déjà existantes se combinent, puis se séparent de nouveau" Anaxagore, philosophe grec, -500).
    Théorie reprise plus tard par Lavoisier, père de la chimie moderne, guillotiné en 1794.
    Notre Terre n'est pas extensible.Les transformations occupant toujours le même volume !! - explications de papou

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    1. Je reprends donc mes cours de doctorat "Glacier" au chapitre "Périto-qui-avance-tout-seul" en précisant bien que notre glaçon avance en moyenne de 2 mètres et non 2 km par jour.

      Notre ami Wiki nous dit :
      "Le front du glacier avance sur le lac Argentino face à la péninsule de Magellan. Quand il atteint la rive opposée, il divise le lac en deux créant des digues naturelles. Les eaux du bras Rico du lac Argentino montent alors (jusqu'à trente mètres) et commencent à éroder le glacier qui devient moins résistant et cède sous la pression. Cet effondrement spectaculaire du front du glacier a lieu périodiquement, mais la fréquence de ce cycle est irrégulière et peut prendre d'un an à une décennie"

      ...Ne faisons pas comme Lavoisier, n'en perdons pas la tête !

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    2. c'est genial je voyage en regardant tes photos, videos, textes merci sabine

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