L’Inde comme ultime étape de voyage, c’est un peu comme savoir qu’il y
a du chocolat au fond du cornet d’amour : je l’attends avec délectation
tout en redoutant la fin.
Avant d’y mettre les pieds (en Inde, pas dans le cône), il m’arrivait parfois
d’y penser le matin devant mon miroir en ne me rasant pas. J’imaginais les
contrastes, les démesures et même les difficultés promises...
J’y suis et ce pays est tout simplement incroyable.
Mon arrivée en Inde :
A Hanoi, j’ai heureusement prévu
huit jours pour obtenir mon visa indien qui n’en demande qu’en principe que quatre...
C’est sans compter sur la tête de mule du guichetier de l’ambassade qui prend
un malin plaisir à me distiller les informations au compte goute et même à
contre cœur. Je ne compte plus les innombrables allers-retours pour obtenir le précieux sésame que j’ai finalement
obtenu moins de 24 heures avant mon départ... Et encore, en procédure express pour 100$ de plus !
Grrr
Dernier tracas administratif à
régler : la procédure indienne précise qu’il faut obligatoirement 2 pages
vierges sur le passeport pour entrer en Inde : je les ai bien à condition
que le douanier birman accepte de jouer du tampon ailleurs que sur celles-ci. Ce
qu’il accepta avec gentillesse.
Trois vols et deux escales plus tard (Rangoon - Kuala Lumpur - Chennai),
j’arrive enfin à destination : Thiruvananthapuram ( !), dans la
région du Kerala, sud de l’Inde. Seul hic en arrivant, l’unique distributeur de
billets de l’aéroport est hors service et je n’ai plus un seul dollar sur moi
pour du change... C’est finalement accompagné par une dizaine d’enfants et sous
un soleil de plomb que je parcours à pieds une partie des quatre kilomètres
jusqu’à ma Guest house réservée pour l’occasion.
Les habitants de l’Inde sont les
Indiens. Les hindous sont les adeptes de la religion hindouiste. D’ailleurs,
Christophe Colomb était convaincu de mettre le pied en Inde en débarquant dans
les Amériques, d’où les Indiens d’Amériques. Mon sens de l’orientation n’est
donc pas le pire puisque je n’ai jamais commis d’erreur portant sur plus de dix
milles kilomètres.
L’inde : Un mois, un mois...
Un mois en Inde, c’est peu pour ce pays-continent. Mon choix initial
se porte principalement sur la région du Tamil Nadu. La magie des mots « Pondichery », « Madras »
ou « Bangalore » n’y est pas pour rien... Je me réserve Chandernagor
et le Taj Mahal pour une prochaine visite. La poésie et la portée symbolique
des noms de ville ont souvent guidés mes choix d’itinéraires. Bombay pour
terminer mon voyage rentre complètement dans cette optique: cette ville
concentre dans mon esprit toute la
démesure et l’âme de l’Inde.
Bombay |
J’ai souvent lu que l’Inde était le pays le plus compliqué pour
voyager. Je m’étais donc blindé pour affronter toutes les difficultés supposées.
Finalement, je n’ai réservé qu’une seule fois par avance ma Guest
House, celle du premier jour. Ce n’est pas le choix d’hébergements qui manque
en basse saison, et un coup d’œil à la chambre et une vérification du wifi
permettent de valider ou non la décision de rester. C’est quand même plus
simple de trouver une chambre là où je suis plutôt que d’avoir à aller là où
j’ai réservé.
Le réseau ferroviaire indien permet de voyager sans embouteillage. Par
contre je n’ai toujours pas compris dans le détail le fonctionnement de la
réservation/achat du billet... Mais ce
n’est finalement pas plus handicapant que ça pour voyager !
Autre point positif, les bus indiens appliquent aux étrangers exactement
le même tarif que pour des locaux. L’Inde est d’ailleurs le pays le plus
« honnête » de mon voyage, et j’ai rapidement compris qu’il n’était
pas nécessaire de s’enquérir du prix avant d’acheter un bien banal (une
bouteille d’eau, un café, un ticket de bus...) Bref, voyager en Inde n’est pas
plus compliqué qu’ailleurs à deux petites exceptions près :
L’anglais indien est tout
simplement incompréhensible, la plupart du temps, je ne reconnais même pas la
langue anglaise au grand désarroi de mon interlocuteur.
L’indien ne répond jamais par oui
ou par non, mais dodeline de la tête. Vous pouvez interpréter ce signe soit par oui,
soit par non. J’avoue que c’est assez perturbant mais que je m’y suis fait,
parvenant même rapidement à décoder la réponse. Je me suis même surpris à
m’entraîner devant mon miroir pour tenter d’imiter ce signe indien !
1 milliard 300 millions : Et moi et moi ...
1 milliard 300 millions d’Indiens
... Et moi, et moi et moi ! La population indienne s’apprête à dépasser celle
de la Chine, et les villes indiennes sont saturées par la surpopulation.
La circulation témoigne d’un
joyeux foutoir : voitures, camions, chiens, piétons, vaches, motos, vélos,
tricycles, camionnettes de livraison, bus, marchands ambulants, marchands
sédentaires, stationnements sauvages...tracteurs.... Et même éléphants :
chacun cohabite –difficilement- sur une seule et même voie, les trottoirs étant
quasi inexistants et toujours parfaitement démolis.
L’Indien est un passionné du
klaxon : chacun prévient de son passage par un ou deux coups de sonnettes
à deux tons bien audibles, et comme il y a toujours quelqu’un à prévenir, je
vous laisse imaginer le concert permanent. Les deux voies se transforment en
trois ou quatre voies où les véhicules se croisent dans tous les sens... Un
vrai jeu vidéo ou chaque piéton dispose de trois vies pour arriver à
destination.
Je m’étais préparé
psychologiquement à affronter la misère des rues, sans doute de trop. Certes
elle existe et elle est visible, mais ce n’est pas non plus la cour des
miracles à laquelle je m’attendais. C’est triste à dire mais je me fais à
tout ; même à la misère des innombrables handicapés qui mendient dans la
rue.
Il est assez paradoxal de constater que chacun jette au sol tous ses
détritus. Dans les quartiers populaires, la saleté est omniprésente, ce qui
n’empêche pas chaque riverain de balayer devant sa porte dès l’aube. J’y vois
une forme de fatalité quasi religieuse :
c’est ainsi : c’est un cycle.
Comme tous les pays pauvres, les abords des lacs et des rivières sont
complètement encombrés d’immondices et de déchets ménagers. Mais à l’échelle de l’Inde...
Une exception à cette peinture: le quartier français de Pondichéry qui
conserve ses noms : rue de la Marine, rue François Martin... La cathédrale Sainte Thérèse, les ruelles
tranquilles ou de nombreux touristes déambulent, les villas d’exception, le
bord de mer, le petit marché typique (un peu trop même) aux tissus colorés,
l’architecture coloniale aux maisons blanches, le parc central ... Un havre de
paix ! J’ai même pu me promener quasi seul sur la grande avenue Goubert face à
la mer !
Pondichéry |
Je passe outre la saleté et la misère pour m’apercevoir que lorsque je
n’y suis pas, la ville indienne me manque, mais lorsque j’y suis, l’envie de
retrouver le calme me reprend aussi vite... C’est sans doute aussi cela la
magie indienne. Dans un global bourdonnant, il y a toujours des bonjours et des
sourires individualisés, les parfums d’épices et de bouses de vache.
Les plages : Et Goa et Goa ...
Goa n’est pas une ville mais une
région célèbre pour ses longues et larges plages de sable fin. Parmi les
dizaines de plages, Je choisis celle d’Arambol à une soixantaine de kilomètres
au Nord de l’aéroport où j’arrive de Chennai.
Ce petit village est le repère de
tribus d’occidentaux baba cool vivants à l’année, ce qui rend la place vivante
en permanence même en saison basse. Le style hippie s’inspirant fortement des
tendances indiennes, les échoppes tendance « Je-t’aime-petite-sœur »
s’en donnent à cœur joie, impossible de faire 10 mètres sans rencontrer
Marie-Jeanne.
Goa, plage et village d'Arambol |
Les hôtels restaurants donnent
directement sur la plage, et pour ces derniers jours de voyage, je profite au
maximum de ce cadre reposant pour flâner, me baigner, me promener et me faire
plaisir de poissons frais grillés accompagnés d’un « bon » (c’est à
dire frais) vin blanc.
La plage est belle, sans
pour autant être la 9ème merveille du monde. (Ou je deviens un peu
blasé, ce qui est tout à fait possible). Chose comique, je trouve même des
vaches marines ! Incroyable non ?
Si vous regardez de près, vous observerez les petites nageoires sur les flancs de la vache marine (photo de droite) |
La spiritualité : Emoi et émoi ...
Je retiens avant tout de l’Inde la
spiritualité et mon expérience de méditation dans l’ashram de Tiruvannamalai.
En arrivant dans cette ville, j’ignorais complètement à quel point ce lieu est
devenu « Saint » par la longue présence d’un des plus grands guides
spirituels indiens contemporains : Bhagavan Sri Ramana Maharshi
(1879-1950). La colline Arunâchala où il habita en face de la ville est
aujourd’hui considérée comme divine.
En gros pour avoir bouquiné sa-vie-son-œuvre :
Sri Ramana est un autodidacte que rien ne prédestinait à devenir un
guide. Etant enfant et croyant sa mort arriver, il se concentra pour savoir ce
qu’il pouvait rester lorsque les pensées ne sont plus, que les sens s’éteignent
et que le « je » lui-même disparait. Il découvre alors le
« Soi » illuminant sa vie et celle des autres.
La pensée « Qui suis-je ? » détruira toutes les autres
pensées, et, semblable au bâton qu’on utilise pour remuer le bûcher, elle sera,
elle aussi, finalement détruite. C’est alors que surviendra la réalisation du
Soi.
Il parait que tous ceux qui
l’approchaient ressentaient eux-mêmes le bonheur, et nombreux recherchaient son
contact. Gandhi le rencontra également.
De nombreux occidentaux convertis
aux enseignements du Maître vivent dans cette ville pour méditer
quotidiennement. Un ashram est un lieu de vie (on peut y loger) et de
méditation ouvert à tous. Pour y loger, il faut en faire la demande au minimum
trois semaines avant, et les places sont rares. Je logeais donc dans ma Guest
house à proximité en me rendant à l’ashram une à trois fois par jour.
J’aime ce lieu: silencieux sans être absolu, apaisant sans être mortifère, curieux sans être spectacle. Chacun y trouve son compte : réfléchir ou méditer,
observer ou se concentrer, garder les pieds sur terre ou se laisser
envoûter...Se promener dans les jardins, rester des heures à regarder les
macaques faire leurs singeries ou gravir la colline et méditer dans la grotte
où Sri Ramana vécu.
Je me suis laissé bercer par les mantras qui aident à faire le vide...
A tel point qu’une fois je me suis endormi.
L’Inde réveille les sens en jouant
pour chacun d’eux dans les extrêmes. L'une des définitions officielles de l’hindouisme indique que "la vérité peut se révéler sous plusieurs apparences". Ce n'est pas notre mode de pensée occidentale, plus clivant et manichéen. C’est
pourquoi il est courant de lire et même de dire "qu’on adore ou qu’on déteste ce pays". Je l’ai aimé sans tomber dans l’adoration. Ce n’est pas un pays plus compliqué ni plus dangereux qu’un autre. C’est tout simplement un pays qui ne ressemble à
aucun autre, avec une forte identité culturelle et spirituelle. Et encore, je
n’ai fait que le frôler et c’est tant mieux, cela me donnera l’occasion d’y
retourner.
Je suis à Bombay. Mon voyage
prend fin demain. Le 6 Octobre, je serai à Paris. J’ai du mal à réaliser.
J’écrirai après mon retour l’ultime édito sur ce que ce voyage m’a ou ne m’a
pas apporté. La seule chose que je peux dire pour l’instant, c’est que ma
décision de voyager est sans aucun doute
la meilleure décision que j’ai prise de toute ma vie.
Je publie en même temps que cet
édito, « J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans », recueil des
faits marquants de mon voyage sous forme poétique. Plus que tout autre texte, il
me tenait à cœur de le partager.
Les chiffres de Septembre au 6 Octobre :
13688 km en avion
1240 km en bus
937 km en train
623€ de dépensés.
La perte du mois :
Aucune, mais je me suis allégé
d’un pantalon, d’un pull et d’un bermuda tout en faisant plaisir à un Indien.
Je savais que tu aurais quand même plein de choses à dire sur ton passage en Inde ☺ Blntt
RépondreSupprimerde tous les voyages à travers le monde, l'Inde est un de mes coups de cœur mais il faut savoir le digérer car il est vraiment surprenant. Tu vas nous manquer. Je me mets en liste sur la newsletter pour le prochain voyage. Bonne retrouvaille avec la vie réelle.
RépondreSupprimermanouedith
Cet édito révèle encore tes dons d ecriture. Quelle merveille que cette decouverte de l'inde en te lisant.
RépondreSupprimerEt ta plume... poétique... est un trésor...riche association de mots les couleurs les sons...ton coeur parle dans ce texte à chaque ligne! Mes poils se dressent...l'émotion au bord des yeux...à quand le recueil de flm? Je sais le travail que ce poeme récit de ton voyage t'a demandé...mais quelle réussite! Soit fier de toi...toi le Roi ...des tableaux excel! :-) C.
bonne fin de voyage et nous sommes impatients de de te revoir et t'ENTENDRE
RépondreSupprimerbises de damien et anne
Bonjour Fabrice
RépondreSupprimerDamien et moi souhaitons te recevoir. Es-tu dans le Nord ? Chez Sylvie ?
Mon n° de tel portable : 06 86 90 33 32
A très bientôt chez nous !
bises du 14/10
anne