San Juan Chamula : un petit
village pas très loin de San Cristobal de Las Casas dans le Sud du Mexique. Pas
grand-chose à dire sur ce village : des ruelles étroites et colorées comme
des dizaines de pueblicitos du Sud mexicain. Les touristes ne se précipitent dans ce village ni pour l’architecture (même si celle-ci m’émerveille
toujours) ni pour son artisanat local de tissage multicolore aux aspects « péruviens ».
Ici la pauvreté est partout. Les enfants se précipitent pour demander un peso el les femmes tentent de vendre leurs tissage en portant leur enfant sur le dos
dans les tissus colorés. Pas de photos d’enfants ni de la population locale :
ici, qui prend une photo vole l’âme de la personne et les touristes sont
finalement les plus mauvais acheteurs pour cette population souriante.
Dans le taxi qui me mène à San
Juan Chamula, je discute avec une femme qui m’explique que cette église est un lieu de guérisons par lamentations, un lieu de protection contre les
mauvais esprits, ou les anciens prennent les pouls en récitant des versets
mayas pour obtenir les guérisons. Ici la religion catholique et les usages
mayas cohabitent en un même lieu. Les Saints et les « chamanes » (ce
n’est pas le terme exact, mais le sens y est) se recueillent ensemble. Elle-même
m’explique qu’elle avait été frappée par le mauvais esprit et c’est dans
cette Eglise qu’elle a pu être délivrée et elle vient chaque semaine remercier
les Saints pour cette guérison. Un mélange subtil de religion catholique et de "magie" ancestrale. (noire ?)
Il est tôt et les cars de
touristes ne sont pas encore arrivés. Je rentre dans cette Eglise et je suis
presque le seul gringo de l’assemblée.
D'abord beaucoup de fumée :
un mélange d’encens et des milliers de bougies : je ne vois pas le fond de
cette petite église tant la fumée est acre et dense. Il n’y a pas de bancs, pas
de chaises, pas de mobilier. Aux murs, tous les Saints sont vêtus d’habits
locaux colorés et de dorures, avec une foultitude de présents aux pieds :
de la canette de coca au poulet mort et des bijoux et toujours ces innombrables
bougies. Le carrelage n’est visible qu’un mètre carré sur deux, comme un damier ou
il faut se représenter les cases blanches jonchées de feuilles séchées, de
paille et d’herbes diverses, et sur les
cases noires, des milliers de bougies à même le sol. Assis directement sur la
paille, un brouhaha de psalmodies entre les guérisseurs et les femmes se
lamentant. Tout au fond, un groupe de musiciens jouent de la guitare en
chantant des chants traditionnels tristes et gais à la fois.
Je trouve mon petit mètre carré
pas très loin de l’autel pour m’assoir par terre, à genoux, comme tout le
monde. J’achète une dizaine de bougies, fait le ménage devant moi de la paille
séchée (bougies et paille ...sic !) et allume ces bougies et renverse un peu de cire liquide
pour les fixer au sol. L’atmosphère est étrange, difficile de trouver les mots
pour la décrire. Elle invite à la fois au recueillement, à la lamentation et à
la communion avec ses voisins. Bien sûr, aucune photo ni film : d’abord
parce que c’est interdit, et en plus, il serait dommage de ne pas vivre à 100%
le moment présent en l’interrompant par une parenthèse photos.
La semaine dernière, le 13
Novembre je crois, l’horreur à frapper des innocents. Je ne suis pas au fait
de tous les détails. Le 11
septembre ou à l’assassinat de Charli Hebdo, j’étais comme tout le monde scotché
des heures à la télévision ou l’oreille collée au poste de radio, alors qu'il ne se passait rien de particulier. Pas par besoin d’information mais par besoin de se sentir ensemble, de communier et de partager la peine et l'émotion. Les médias servent aussi à cela dans un premier temps.
Je n’ai pas pu partager de la même façon la peine collective cette fois-ci.
Je n’ai pas pu partager de la même façon la peine collective cette fois-ci.
Alors dans cette Eglise si particulière, assis par terre dans l'herbe séchée, j'ai pensé à vous, j'ai prié et j'ai pleuré.
Bonjour Fabrice, quel bonheur de te lire. On a l'impression d'être avec toi, et vu les derniers événements, cela fait du bien. Prends bien soin de toi, Véro Lili,
RépondreSupprimerDommage que tu n ai pu voler quelques ames. Bon il n y a plus qu a attendre le prochain épisode.
RépondreSupprimerBonne route
Fab&Sandra
Expérience exceptionnelle!!! Quelle chance de vivre ça!!!
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