dimanche 20 mars 2016

La haut, la vie, la Bolivie


La haut, entre 3500 et 5000 mètres d'altitude,  la Bolivie offre une diversité et une quantité de paysages naturels à  vous couper le souffle... Et pas seulement du fait du manque d'oxygène !
La haut, la vie est substance et subsistance:  L'eau du lac sacré Titicaca,  le sel du désert d'Uyuni, le maïs ou les pommes de terre des petites fermes familiales: la Bolivie est l'un des pays les plus pauvres d'Amérique du Sud.
Et c'est en Bolivie que j'ai vécu l'aventure humaine la plus extraordinaire: dans la petite école de la Isla Del Sol  sur le lac Titicaca, j'ai enseigné le français à une trentaine d'enfants.


Là ou tout commence : Le lac Titicaca et la Isla Del Sol.

Ce lac dont le seul nom a fait marrer des dizaines de générations et dont - selon le Chat de Geluck - les poissons auraient mauvaise haleine, est le plus haut lac navigable du monde à 3812 mètres.

Il était une fois, une petite communauté qui vivait heureuse et tranquille dans une vallée fertile, et qui n'avait que pour seule interdiction que de grimper sur la montagne chercher le feu sacré. Que croyez-vous qu'il arriva? Cette bande de crétins se précipita pour s'en emparer! Le Dieu de la montagne, Apus, les surprit et fit sortir les pumas qui les dévorèrent plutôt que de se régaler de Frolic. Inti, le Dieu du soleil que les hommes vénéraient, pleura pendant 40 jours et 40 nuits sans s'arrêter, ce qui inonda la vallée et créa le lac Titicaca. Seul un couple arriva à survivre en se mettant dans une barque. Les pumas se transformèrent en pierre (parce qu'ils avaient envie) formant la Isla Del Sol où accostèrent nos deux tourtereaux qui se mirent au travail pour repeupler l'île, et c'est ainsi que naquit la grande civilisation Inca, et pour une fois tous les historiens sont d'accord sur la véracité de cette version.

Pour moi, tout commence à la frontière terrestre entre Puno (Pérou) et Kasani/Copacabana (Bolivie), où j'ai dû vérifier à plusieurs reprises que je n'étais pas au Brésil sur la célèbre plage portant le même nom. (Ça m'aurait ennuyé de me tromper de 1800 km en bus). Passage de frontière comme une lettre à la poste, puisque dans le lot de baratin habituel de l'imprimé d'entrée sur le territoire bolivien, dans la case "métier", j'ai cette fois-ci choisi d'être facteur.


Copacabana est le port de départ et d'arrivée pour la Isla Del Sol... Et quelle île !!!
Un mélange de Corse et de belle-île en mer, des paysages sauvages et doux à la fois. Une lumière blanche sur un lac d'un bleu intense bordé de criques de sable fin ou de graviers. Des terres rugueuses et montagneuses dont les chemins entretenus invitent à se perdre. Le soir, à l'heure du sunset, c'est religieusement qu'on admire les rouges, les jaunes et les oranges brûler sur le lac, avec en fond, les sommets enneigés de la cordillère des Andes. C'est beau.


Ici, pas de tourisme de masse, pas d'hôtel Resort, les seuls endroits pour dormir sont des chambres de quatre murs de terre avec quelques lits pour 4 ou 5 euros (j'y reste deux nuits) ou la plage pour planter la tente. Quelques centaines de backpakers seulement de tous les pays du monde. Et c'est par hasard que je recroise  Mylena et Edgar de Serbie  rencontrés dans une gare routière à 3h00 du matin au Pérou, Stéfanie, une Espagnole rencontrée à Cuzco, et ... Jason,  ma "jolie blonde" du Machu Pichu ! Et avec d'autres voyageurs rencontrés sur place et quelques bouteilles de vin local, nous passons la soirée à fêter nos retrouvailles incroyables. Que le monde est petit !

Ici, le temps s'est arrêté pour les 2000 habitants de cette île de 10 km de long. Pas d'internet, pas de voiture,  tout se transporte à dos d'âne, quelques "magasins" dans lesquels on ne rentre pas tant ils sont petits, et une dizaine de restaurants dont le choix de la carte se limite au plat et à la soupe du jour.


Ici, les enfants rient, courent et sont heureux de jouer avec une bouteille en plastique découpée en forme de bateau qu'ils traînent au bout d'un fil le long du lac.

Et c'est ici en plein cœur de l'île  où je me promène seul que je croise l'école locale. Attiré par la vie, j'hésite mais j'ouvre le portail de la cour de récréation. les enfants jouent au foot ou papotent par petits groupes. Ils me dévisagent interrogatifs, je suis un intrus. Les femmes dans leur tenue traditionnelle n'osent pas m'aborder. C'est un professeur qui se dirige vers moi et je me dirige vers lui. Je ne sais pas ce qui m'a pris. Je lui ai tendu la main en premier, et tout naturellement : "Bonjour, je m'appelle Fabrice, je suis Français, et si vous le souhaitez, je peux donner un cours de français à vos élèves."
Mon école

Le professeur n'a pas l'air plus surpris que cela. Il m'invite à le suivre dans sa classe. J'ai encore mon chapeau sur la tête et un pull autour de la taille lorsque je passe la porte. La petite trentaine d'enfants (12/14 ans) se lèvent tous en même temps avec un puissant "Buenos dias senor el profesor". Il me présente en moins de dix mots aux élèves ( Fabrice, un Français qui va vous apprendre le français).... Puis sort en refermant la porte derrière lui ! Je me marre de cette situation ubuesque: je ne sais pas combien de temps ai-je devant moi, je n'ai strictement rien préparé, mais je commence mon "cours" en leur demandant tous les mots et phrases qu'ils aimeraient connaître, et comme un chef d'orchestre, je les fais répéter tous ensemble ! 90 minutes d'échanges, de fou rire, de répétition, de mots au tableau, d'un cours ou ils ne retiendront finalement un "je t'aime très fort" à son (sa) petit(e) copain (copine) en français !

Mes élèves
Le professeur (et les élèves)  m'invitera à poursuivre mes cours, j'ai hésité longuement à rester sur cette île  mais j'ai finalement décliné. Je crois que je regrette un peu ma décision. C'est un souvenir simplement extraordinaire.


Là où j'ai perdu mon pari : non, La Paz n'est pas la capitale de la Bolivie !

"Avec une altitude de 3660 mètres, La Paz est la capitale la plus haute du monde" ... Faux ! Constitutionnellement, la capitale de la Bolivie est Sucre ! Néanmoins, La Paz est le siège du gouvernement, et pour les Boliviens la capitale administrative du pays. Cette subtilité m'a fait perdre mon pari, mais je m'en sors bien puisqu'au final çà ne m'a coûté que 3 bières.

Entre la Isla del Sol et la future étape d'Uyuni,  (trek en 4x4, 3 jours dans les déserts boliviens), je profite avant tout de La Paz pour me reposer dans cette ville classée parmi les "sept nouvelles villes-merveilles", classement qui n'engage que leurs auteurs... Ville coloniale aux deux millions d'habitants, le centre-ville surprend avant tout par sa pollution dûe aux centaines de vieux bus laissant échapper leurs nuages noirs d'hydrocarbure..


Je joue aux échecs dans le centre ville contre des locaux (1 gagnée, 1 perdue) avec qui je papote durant une bonne partie de l'après-midi sur une terrasse au soleil. Bref, je me la joue cool, et que çà fait du bien! La seule excursion que je m'offre est la Vallée de la Lune, à 45 minutes de bus du centre de La Paz. Une curiosité géologique de roches érodées par les pluies et les vents.


Dans la ville, j'arpente les ruelles, je visite même quelques magasins d'artisanat "spécial-touriste" et je tombe nez-à-nez avec Princess Natalie et Monica ! (Voir Pérou : hoy te visto).

A quelques secondes et mètres près parmi des millions d'habitants... Quelle est la probabilité ? Toutes ces retrouvailles dans différents pays, à plusieurs semaines d’intervalles et par pur hasard resteront des moments forts de mon voyage.


Trek dans l'Altiplano : des paysages grandioses !

Je croyais qu'en choisissant un bus-couchette j'arriverai un peu à dormir durant les 8 heures de nuit entre La Paz et Uyuni ... Que nenni ! Je débarque au petit matin dans cette ville uniquement destinée aux départs de nombreux treks. J'opte pour une randonnée de trois jours et deux nuits pour 1000 km en 4x4.
Un Nissan Patrol, un guide-cuisinier-chauffeur; 5 jolies filles de Pologne et de Scandinavie (Ce n'est qu'une question statistique : Il y a plus de voyageuses que de voyageurs); départ dans deux heures, juste le temps d'acheter de l'eau, des lunettes de soleil (pas perdues mais cassées) et de prendre un copieux petit déjeuner ... Et c'est reparti !

Le désert blanc d'Uyuni.

Il y a 15000 ans, le lac de Tauca s'est évaporé laissant une immense plaine de 10580 km² couverte d'une couche de sel entre 2 et 120 mètres d'épaisseur : le Salar d'Uyuni. Une immensité blanche à perte de vue, aucun relief, aucune plante, aucun animal dans ce milieu acide. Un silence absolu coupé uniquement par les souffles des vents. Un Antartique de sel.

Il ne manque plus que les chiens de traineaux
Le Salar est si plat qu'en période de pluie, ce lac de sel est couvert d'une trentaine de centimètres d'eau sur toute sa surface ce qui en fait un gigantesque miroir dont la réverbération du soleil rend le port des lunettes de soleil obligatoire. Sans être inondé, en cette période de Mars, le désert est encore humide de quelques centimètres d'eau par endroit.

Girly Tour

Le sel est exploité pour une consommation locale : soit alimentaire, soit en pâte à sel pour constituer des briques de construction. C'est dans un hôtel de sel dans lequel j'ai dormi, au confort rustique, sans électricité ni chauffage, mais environ 15 kg de couverture / cm² ....

Néanmoins, le salar d'Uyuni recèle également la moitié des réserves naturelles mondiales de lithium, composant essentiel des batteries électriques. Ces réserves sont le centre d'attention actuellement du gouvernement et des grandes multinationales...

Jeux de perspectives


Le désert ocre de Chiguana : des paysages lunaires.

Il s'agit de la petite soeur d'Uyuni, une autre formation salée qui jouxte la frontière chilienne, entourée de volcans aux nuances de gris, d'argent, d'ocre, de rouge et de blanc. Le volcan actif d'Ollagüe culmine à 5865 m juste à cheval entre le Chili et la Bolivie.







Difficile de choisir parmi les dizaines de photos que j'ai pris ! Le ciel est d'un bleu foncé vierge de tout nuage.
Dans cette région du Sud de l'Altiplano Les températures varient entre -10 et +40 degrés (nuit / jour). L'altitude variant de 4000 à 5000 mètres (à 4810 mètres, j'ai une pensée pour notre Mont Blanc) Aucun  mal d'altitude, simplement plus vite essoufflé. Comme les indigènes, je mâche des feuilles de coca qui ont pour vertu de couper la faim, de ne pas ressentir la fatigue ni les vertiges de l'altitude. Ces feuilles naturelles sont classifiées comme "drogue" par la législation française mais sont de consommation courante ici. Très franchement, pas de quoi fouetter un chat !


Les pierres, les roches, les canyons, quelle splendeur !



Les lacs multicolores, les vallées, la vie renaît... 

Plus au Sud de nombreux lacs salés multicolores jalonnent le parcours : rouge, vert ou jaune en fonction des algues ou des minerais. Doucement la vie reprend. Les flamands roses par milliers font halte dans cette réserve naturelle Eduardo Avaroa. Les cours d'eau douce dévalent les volcans formant des vallées vertes ou viennent se repaître les lamas et alpagas domestiqués et les guanacos et vigognes sauvages





Chaque point blanc est un flamand rose.

Trois jours de splendeurs solitaires et désolées, de hautes plaines sauvages, de blanc immaculé, de ciels étoilés spectaculaires admirés dans une piscine naturelle d'eau douce d'une source à 35 degrés alors qu'il fait -10 degrés dehors.
Peu de texte anecdotique pour ce chapitre : les images se suffisent à elles-mêmes. C'est magnifique.


Germinal à Potosi :

Beaucoup d'heures de sommeil à récupérer après ces 72 heures intenses. Retour sur Uyuni,  "ville" sans grand intérêt où je reprend  directement un bus pour Potosi : quatre heures de route plus au Nord pour rejoindre cette ville ouvrière spécialisée dans l'extraction de minerais d'argent. Toute l'activité de Potosi tourne autours des mines que l'on peut visiter alors que les mineurs sont en train de travailler ...  (Sauf le samedi, jour de ma visite, et c'est finalement tant mieux.) Une visite impressionnante  au point qu'une bonne partie du groupe fait demi-tour avant la fin à cause de la chaleur, de la claustrophobie, des tunnels et autres couloirs verticaux à franchir. Une vraie vie de taupe.

Difficile de ne pas faire le rapprochement avec les corons du Nord des anciens mineurs chtis : ici aussi les mineurs forment une famille avec ses règles, ses maisons, son propre marché, sa coca, son propre alcool de canne à sucre à 80°, et son Dieu protecteur (El Tio) qui ne manque ni d'humour ni de vices !

Réunis autour d'un verre, Gueule noire de Noeux Les Mines et Mineur de Potosi se comprendraient naturellement.


Je termine mes 3 semaines boliviennes à Sucre (prononcez "Sucré"). 4 jours de repos bien nécessaires dans cette ville agréable et ensoleillée à la blanche architecture coloniale aussi bourgeoise que Potosi peut être ouvrière.

Sans être désagréable, la population bolivienne reste en grande majorité très neutre, voire méfiante vis à vis des touristes, un peu comme un "mal nécessaire" avec lesquels il faut "faire avec".
A Potosi, le premier matin, je vais chercher mes deux empanadas en guise de petit déjeuner sur la place du marché. Pas un sourire, ni un regard ni un mot de la part de Mamita. (Petite Mamie)
Le lendemain matin, j'ai eu droit à un regard furtif.
Le troisième matin, elle m'a directement tendu mon empanada avec un sourire qui m'a fait plaisir.





12 commentaires:

  1. Magnifiquement génialissime...
    Waou waou waou... plein les yeux !!! que de photos qui me rappellent d'incroyables souvenirs... et que de photos si splendides d'endroits que je ne connais pas.
    Une pure beauté... ce pays m'avait vraiment marqué, et ton édito me persuade qu'une 2ème visite s'impose !
    Bravo Mr le Professeur, tu assures ;) contente que tu ais pu prendre des photos pour immortaliser ce moment si incroyable en classe !
    Et cette nature... comme tu dis... à en couper le souffle.
    Merciiiii encore une fois
    (ps : sympa ton chèche ;o))

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    1. Toutes les agences font les memes photos en jouant avec les perspectives!

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  2. Très beau le désert blanc et très belle expérience d'être instit. J'apprends un truc sur la capitale de la Bolivie. Ça m'évitera de perdre 3 bières.

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    1. ... Et j'avais sans cesse la dernière chanson de Michel Berger en tête: le paradis blanc....

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  3. Je suis scotché à ton récit sans perdre une miette, sans pouvoir donné mon humble avis ! tout cela est tellement nouveau et me donne envie d'y aller !
    Bravo et bisous paternels.
    papou,

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    1. Merci pour tes commentaires : ils sont importants pour moi. Ce sont des traits d'union que je relis souvent. Bisous.

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  4. Suis vraiment séduite ! J'aime les déserts, ils donnent le sentiment d'éternité. Moi aussi ! Un jour...
    Ton expérience dans cette école est carrément ouf ! Je ne comprends pas que tu aies pu résister à l'envie de rester. C'est formidable ! Merci de si bien partager cette expérience.
    Bisous

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    1. Le jour ou tu seras a la isla del sol, fais un tour du coté de l'école...

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  5. "Ce qui fait la beauté du désert, c'est qu'il cache un puits quelque part..."
    Saint Exupery.
    ...Je sais maintenant que dans les déserts on trouve aussi des écoles, et dans les écoles des enfants adorables...
    papou

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  6. Quand je pense que j'ai fait cinq années d'études pour tenter de maîtriser l'art d'enseigner les langues étrangères : )
    Un peu flippante la créature orange d'Uyuni...
    Des bises

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  7. Très bel article qui reflète bien la bolivie!
    Bonne continuation pour la suite du préiple...

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